C’est sur Internet que le texte intitulé Le Fauve d’Angoulême a été dévoilé aux participants par Hervé Claude, en direct depuis la médiathèque de Brec’h.
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Le Fauve d’Angoulême
Une histoire incroyable vient d’être révélée. Des archéologues ont exhumé des épigastres d’un terre-plein d’Angoulême, patrie de la bande dessinée. Ils ont découvert, grâce à divers papyrus ou phylactères enluminés étudiés au musée, un aurochs qui cachait entre ses cornes un petit Fauve parfaitement nyctalope. D’aucuns pensent qu’à mi-chemin entre Félix le Chat et Mickey, cette créature est apparue à l’oligocène ou au cours de la période de l’art azilien.
Le Fauve, sorti tout droit des cartouches colorés de son créateur, n’a qu’une idée : entrer dans l’univers des innombrables héros issus des comics états-uniens, des mangas asiatiques et des albums européens, notamment franco-belges.
Naviguant à l’estime, notre Fauve observe avec enthousiasme les décorations alentour. Divers artistes se sont évertués et même se sont plu à transformer l’environnement : les murs peints, les bus chamarrés, les plaques de rue simulant des bulles forment une sorte de kaléidoscope haut en couleur !
Ce parcours ludique le mène cahin-caha jusqu’aux rives du fleuve où il salue le célébrissime aventurier Corto Maltese. Sa statue d’airain un peu bleuté se dresse fièrement près du Musée de la Bande Dessinée. Il est des plus évident que notre Fauve, agoraphobe quant à lui, souhaite échapper dare-dare à ces files de visiteurs agglutinés devant l’entrée des chapiteaux. La plupart ont été amenés là dans des autocars bondés. S’écartant de cette promiscuité exubérante, le Fauve aperçoit l’extravagante voiture de Batman, toutes portières ouvertes, qui l’invite au voyage.
(Fin du texte pour les jeunes)
Bien qu’il ne sût pas la conduire et sans s’inquiéter de savoir jusqu’où l’amènerait cette odyssée, notre jeune Fauve met le cap sur la cité de l’Atomium pour rencontrer Tintin et ses acolytes, ces héros mythiques mais controversés à l’envi par les porte-parole du prosélytisme contemporain. Bruxelles est un véritable vivier de dessinateurs qui ont créé une kyrielle de personnages.
Auparavant, notre Fauve était passé par Épinal, tout entière consacrée à l’imagerie populaire dont s’enorgueillissent divers musées. Dans l’un d’eux qui était loin d’être un phalanstère, il avait observé avec fascination des estampes bigarrées.
Sur l’une d’elles, on pouvait voir des va-t-en-guerre, hussards ou uhlans aux yeux vairons. Ils sont parés de tuniques bleu marine aux pattes de collet turquoise et de pantalons garance avec des revers pourpres. Ces soldats étaient légion, alignés derrière leurs aigles lustrées. D’autres images représentaient de hauts dignitaires en frac et gants beurre frais.
Pas de gardes-frontières avant de pénétrer dans la capitale belge. Là, un bédéaste l’invite à découvrir dans des décors Art nouveau, un parcours scénographié honorant les chefs-d’œuvre des créateurs du neuvième art, quels qu’aient pu être leur origine et leur talent.
Le bouche-à-oreille riche en stichomythies et une balade au cœur de cette oasis de couleurs l’amènent jusqu’à un auteur breton. Le père de Maliki, jeune héroïne aux cheveux roses, le convainc-t-il de retourner s’immerger dans l’univers des graffeurs du Dédale Café de Vannes ? C’est un lieu culturel éphémère sur les bords de la Marle et de ses eaux spitantes.
Sans doute puisque notre héros arrive dans la ville médiévale morbihannaise où l’accueillent des forsythias jaune coing.
Éreinté par son fabuleux périple, il s’imagine volant vers les vignettes de son créateur et comme sous l’effet d’une berceuse lancinante due au clapotis des vaguelettes, le Fauve dort.
Chamarré : Garni d’ornements aux couleurs éclatantes.
Oligocène : C’est une époque géologique.
L’art azilien : Art considéré comme caractérisé par l’abandon du dessin figuratif au profit de l’abstraction.
Airain : Alliage de cuivre.
Frac : Queue de pie.
Nyctalope : Qui voit la nuit.
Eaux spitantes : Eaux pétillantes.
Stichomythies : Echanges verbaux rapides, vifs en paroles ou en vers.
La statue d’airain un peu bleuté : c’est l’airain qui est bleuté, c’est-à-dire le bronze qui bleuit en s’oxydant.
Aurochs : Prend un « S » dans le Larousse et le Robert mais on peut aussi le trouver sans « S » parfois.