Cette Grande Dictée « connectée », inspirée des dictées de Bernard Pivot et animée par Hervé Claude (mémorable présentateur du JT de 20h sur Antenne 2), s’est jouée en direct sur YouTube. Vous pouvez la retrouvez sur la chaîne YouTube Ville de Brec’h
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Douceur d’enfance
Flanquée d’une fenêtre en encorbellement en briques grenat, la maison se dressait au milieu d’un bouquet de chênes sessiles. La vieille gentilhommière familiale accrochée à flanc de tuffeau, d’où l’on pouvait voir les habitats troglodytiques voisins, dominait l’estuaire de la Gironde.
Delphine et Paul étaient les récents héritiers de ce lieu et dès leur sortie de la voiture, une bergeronnette les accueillit joyeusement en pépiant ses sempiternelles jacasseries. Après un trajet difficile sur un chemin cahoteux, ils furent saisis par l’émotion : leurs souvenirs d’enfance les envahissaient. Cette visite se présentait néanmoins sous les meilleurs auspices et ils parcoururent toutes les pièces dont chaque objet ravivait le souvenir de leurs chers parents disparus.
Cependant, c’est au fond du grenier que la découverte d’une vieille malle leur procura l’apogée sentimental de la journée. Ils y retrouvèrent une kyrielle d’objets hétéroclites, les jouets de leur enfance. Commença alors un voyage au pays des souvenirs.
Tout émue, Delphine interpella son frère : « Regarde, Paul, ma belle poupée en porcelaine avec ses dessous en linon à doubles volants rose pâle. Elle porte encore sa robe en taffetas bayadère à raies jaune citron, vertes et bleu ciel, avec des plis en tuyaux d’orgue. Je n’ai pas beaucoup joué avec elle, je préférais l’embonpoint de ma chère Bécassine en cotonnade remplie de kapok qui ne craignait ni les plaies ni les bosses. Elle m’accompagnait partout, je l’ai tant aimée. »
(Fin de la partie pour les jeunes)
Dans une grande boîte en fer, dormait un régiment de soldats de plomb qui attendaient de sortir de leur léthargie. Ils avaient encore fière allure, la tête droite, la baïonnette à l’épaule, en tenue de parade. Outre de grandes guêtres jambières, certains portaient un dolman à brandebourgs dorés, la tête coiffée d’un shako tronconique avec plume de casoar. À leur côté pendait leur sabretache qui semblait remplie de victuailles ou de munitions.
Un coffret rouillé avait dû contenir, quelque quarante-cinq ans plus tôt, des petits-beurre ou des galettes, maintenant y sommeillaient des voitures aux peintures écaillées et quelques wagons dépareillés de trains électriques abandonnés.
« Delphine, regarde le mythique fourgon H Citroën, je me revois enfant dans la cour. Le poissonnier rubicond et hilare en sortait aussi comme par magie des légumes et des produits laitiers. La camionnette était-elle réfrigérée ? J’en doute. Et cette 2 CV bleue ! » Paul venait de ressusciter la négociante en grains. Elle était replète, rougeaude, mais bien sympathique. Lorsqu’elle descendait du véhicule, il se balançait de gauche à droite.
Un vaste coffre marqueté de bois de paille et de palissandre était entrebâillé, livrant son contenu : un kaléidoscope, une toupie en tôle recouverte d’une lithographie, un stéréoscope, une motrice de tramway à essieux chromés et enfin un omnibus hippomobile.
Dans la cour, un jeu de quilles, abandonné, semblait attendre qu’une main d’enfant le redressât pour retrouver sa raison d’être.
Que de souvenirs de vacances passées dans le manoir d’un grand-père friand de calembours ! Des réminiscences olfactives provoquaient une immense émotion à ces deux hoirs émerveillés. De subtils effluves d’automne évoquaient les pommes du verger finissant de mûrir sur des clayettes dans le cellier. Des arantèles reliaient les quatre coins des fenêtres entrouvertes et semblaient des voiles déposés par le vent.
Pour ces deux adultes, c’était un bonheur d’avoir retrouvé la douceur des jouets et des jeux d’antan. Ils avaient hâte de partager avec leurs enfants les émotions qu’ils en avaient retirées. Ils regagnèrent leurs chers pénates en zinzinulant comme les fauvettes aperçues sur le rosier.
(Fin du texte)
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